Infrastructures privées : pourquoi cette classe d’actifs devient incontournable
Alors que les investisseurs naviguent dans un environnement encore heurté, entre ralentissement économique, volatilité persistante et rendements obligataires en reflux, les infrastructures privées s’imposent comme une réponse structurelle.
Portée par des besoins colossaux en énergie, numérique et mobilité, la classe d’actifs attire désormais autant les institutionnels que les fortunes privées. Degroof Petercam et CFM Indosuez décrivent une mutation profonde : celle d’un marché longtemps réservé aux grands projets publics et devenu, en dix ans, une pierre angulaire des allocations de long terme.
L’actif tangible qui rassure
Les infrastructures regroupent tout ce qui permet à une société moderne de fonctionner : réseaux électriques, voies ferrées, ports, usines de traitement de l’eau, centres de données, antennes télécoms. Autant d’actifs physiques, essentiels, dont la demande reste remarquablement stable, même dans les phases de ralentissement. C’est précisément cette inélasticité qui séduit aujourd’hui les investisseurs privés.
Dans leur analyse, Jean-François Becu (Degroof Petercam) et Nicholas Greenwood (CFM Indosuez) rappellent que ces actifs ne sont pas soumis aux mêmes dynamiques de marché que les actions ou les obligations cotées. Leur performance s’inscrit dans des horizons longs, souvent guidés par des contrats pluriannuels, des concessions ou des mécanismes tarifaires réglementés qui assurent une visibilité rare.
Historiquement, les États en étaient les premiers financeurs. Mais depuis les années 1990, les budgets publics se sont tendus tandis que les besoins augmentaient : transition énergétique, explosion du trafic numérique, vieillissement des réseaux ferroviaires et routiers. Le secteur privé a comblé cette lacune au moyen de partenariats public-privé, puis de fonds d’infrastructure spécialisés. Ce capital privé structure désormais un marché mondial estimé à plusieurs milliers de milliards d’euros, avec une croissance tirée par des impératifs stratégiques : réduire les émissions, sécuriser l’accès à l’eau, faciliter la mobilité et soutenir les réseaux numériques.
Cette bascule se retrouve dans la répartition sectorielle observée par Indosuez : 30 à 40 % des investissements se dirigent vers l’énergie (renouvelables, réseaux, stockage), 20 à 30 % vers les transports, 15 à 25 % dans les services publics, 10 à 20 % dans les infrastructures numériques et 5 à 10 % dans les actifs sociaux (écoles, hôpitaux, infrastructures locales). Cette granularité illustre l’évolution du marché : de plus en plus diversifié, de plus en plus technique, et désormais pleinement intégré dans la finance privée internationale.
Un moteur de stabilité
Si les infrastructures séduisent autant, c’est qu’elles apportent une réponse double : résilience et rendement régulier. La plupart des actifs fonctionnent pendant plusieurs décennies, ce qui permet de sécuriser les flux de trésorerie. Beaucoup bénéficient de revenus indexés sur l’inflation ou d’un encadrement tarifaire connu à l’avance. Dans un contexte où les banques centrales pilotent la désinflation par des trajectoires encore incertaines, cette prévisibilité vaut de l’or.
La classe d’actifs offre également un avantage souvent sous-estimé : de faibles corrélations avec les actions et obligations. Les performances d’un réseau d’eau ou d’un port logistique dépendent de l’usage réel, non des cycles boursiers. Cette décorrélation contribue à lisser la volatilité globale d’un portefeuille, ce qui explique l’intérêt croissant des investisseurs privés à la recherche de stabilité.
L’autre moteur, plus récent, tient à la transition énergétique et numérique. Les infrastructures de nouvelle génération, data centers, réseaux Internet à très haute capacité, plateformes de mobilité électrique, nécessitent des investissements massifs. Elles créent mécaniquement des opportunités d’appréciation du capital, en particulier lorsque les opérateurs améliorent la performance des actifs ou répondent à une demande en forte croissance. De nombreux projets combinent désormais un rendement contractualisé stable et un potentiel de valorisation via l’optimisation opérationnelle.
À cela s’ajoute une dimension ESG puissante. Les investisseurs veulent que leur capital finance des actifs tangibles contribuant à la décarbonation, à la mobilité propre ou à l’inclusion numérique. Les infrastructures sont l’un des rares segments où l’impact est mesurable et directement lié à l’économie réelle. Selon Indosuez, cette convergence entre rendement, stabilité et utilité publique explique l’intérêt croissant d’une clientèle patrimoniale plus jeune, plus sensible aux thématiques sociétales.
Les infrastructures ne sont donc plus une niche. Elles deviennent un pivot des portefeuilles de long terme, capables d’apporter à la fois une protection contre l’inflation, une visibilité rare dans l’univers financier et une exposition directe aux grandes transformations économiques.